Dans Les jeunes mortes, Selva Almada nous révèle l’obsession de son enfance : faire en sorte que les féminicides soient enfin reconnus par le gouvernement Argentin et contribuer, à sa façon, à les endiguer. Une vaste lutte portée avec brio par ce récit publié aux Editions Métaillé. Cette histoire vous fera frémir !
La quatrième de couverture…
” Années 80, dans la province argentine : trois crimes, trois affaires jamais élucidées qui prennent la poussière dans les archives de l’histoire judiciaire. Des “faits divers”, comme on dit cruellement, qui n’ont jamais fait la une des journaux nationaux.
Les victimes sont des jeunes filles pauvres, encore à l’école, petites bonnes ou prostituées : Andrea, 19 ans, retrouvée poignardée dans son lit par une nuit d’orage ; María Luisa, 15 ans, dont le corps est découvert sur un terrain vague ; Sarita, 20 ans, disparue du jour au lendemain.
Troublée par ces histoires, Selva Almada se lance trente ans plus tard dans une étrange enquête, chaotique, infructueuse ; elle visite les petites villes de province plongées dans la torpeur de l’après-midi, rencontre les parents et amis des victimes, consulte une voyante… Loin de la chronique judiciaire, avec un immense talent littéraire, elle reconstitue trois histoires exemplaires, moins pour trouver les coupables que pour dénoncer l’indifférence d’une société patriarcale où le corps des femmes est une propriété publique dont on peut disposer comme on l’entend. En toute impunité.
À l’heure où les Argentins se mobilisent très massivement contre le féminicide (1808 victimes depuis 2008), ce livre est un coup de poing, nécessaire, engagé, personnel aussi. Mais c’est surtout un récit puissant, intense, servi par une prose limpide. “
Stop à la banalisation des crimes contre les femmes !
A la façon d’un reportage sur les traces de trois jeunes oubliées, l’auteure témoigne de la condition des jeunes filles dans l’Argentine des années 80.
Andrea, 19 ans, étudiante assassinée dans son propre lit. Maria Luisa, 15 ans, petite bonne retrouvée sans vie sur un terrain vague et Sarità, 20 ans, jeune mère de famille qui n’est jamais rentrée d’une balade avec son amant. Pourquoi avoir tué ces trois jeunes filles ? Qui sont les coupables ? L’objectif de l’auteure n’est pas forcément de répondre à ces questions, mais plutôt de rappeler que ces disparitions “étranges” ne devraient pas être banalisées.
En enquêtant auprès de leurs proches, elle dépeint un quotidien dans lequel les jeunes femmes vivent continuellement avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête et n’ont finalement peu de choix. Faire des études ? Très peu, comme Andréa, peuvent y prétendre. Les adolescentes travaillent souvent dès leur plus jeune âge, se marient tôt et tombent enceintes tout aussi rapidement, enfin quand l’un ne conditionne pas l’autre. Si elles sont belles, peut-être pourront-elles échapper aux pénibles travaux ménagers, pour une tâche plus en accord avec leur beauté… la prostitution. Trois exemples, qui en disent long sur les mœurs ultra patriarcales de cette société. La domination masculine est un prérequis, alors que peut-on espérer en tant que femme ? Peut-on considérer que la vie d’une femme a une vraie valeur ?
Là est également la question. Et en prenant ces trois femmes pour exemple, l’auteure s’attache finalement à souligner l’universelle question de l’égalité des droits. J’ai beaucoup aimé son ton plus journalistique que romanesque, qui nous plonge vraiment dans la réalité, tout en laissant place à l’émotion. A la façon d’un carnet de notes, Selva Almada retranscrit les faits en y ajoutant sa propre analyse. La frontière entre objectif et subjectif est ténue, mais grâce à cela on prend conscience de l’horreur de la situation.
Pour résumer …
Je ne pensais pas m’embarquer dans une telle histoire et j’en ressors avec un puissant sentiment d’impuissance. Ce texte mélange un fort ésotérisme et une étrange fascination pour la mort, et pourtant il met en scène un contexte social aussi dur à accepter qu’impossible à faire bouger. En mettant ses qualités littéraires au service d’une cause qui lui tient à cœur, l’auteure fait un premier pas pour faire bouger les frontières du respect.
Ma note…
Citation
” Ça fait moins d’un mois que la nouvelle année a commencé.
Au moins dix femmes ont été assassinées du seul fait d’être des femmes.
Je dis au moins car ce ne sont que les noms qui ont été publiés dans la presse,
celles dont on a parlé dans les journaux.”