Au cours d’un précédent article, je m’interrogeais sur l’attractivité de la nouvelle, dans un monde littéraire dominé par le roman. La conclusion en était simple : non, la nouvelle n’est pas morte en 2025 ! Bien au contraire ! Sa flexibilité narrative séduit de plus en plus de jeunes lecteurs et d’auteurs qui en font leur genre de prédilection.
Qui sont les lecteurs de nouvelles ?
Les lecteurs anglo-saxons ont tendance à être plus amateurs de nouvelles que les lecteurs francophones, et ce pour plusieurs raisons culturelles, historiques et sociales.
Les revues littéraires et les magazines jouent un rôle majeur dans la popularité des nouvelles dans le monde anglo-saxon. Des titres comme The New Yorker, The Atlantic Monthly, Granta, et The Paris Review publient régulièrement des nouvelles d’auteurs contemporains, offrant ainsi une plateforme qui permet aux écrivains de toucher un large public. Ces magazines ont longtemps été des lieux de prédilection pour la publication de nouvelles, ce qui a renforcé la présence de ce genre dans la culture littéraire.
De nombreuses anthologies sont publiées chaque année, regroupant les meilleures nouvelles de l’année ou les récits d’un même auteur. Des séries comme Best American Short Stories ou O. Henry Prize Stories sont des exemples d’anthologies qui attirent un large public de lecteurs, souvent plus enclins à lire des histoires courtes. Cela contribue à maintenir un marché dynamique pour la nouvelle aux États-Unis et au Royaume-Uni.
Enfin,l es festivals littéraires anglophones, comme le Hay Festival ou le Edinburgh International Book Festival, accordent souvent une place importante aux recueils de nouvelles et aux écrivains spécialisés dans ce genre. Ces événements permettent aux auteurs de recueils de nouvelles de se faire connaître et de trouver un public large. Tout cela renforce la perception de la nouvelle comme un genre incontournable dans le paysage littéraire anglo-saxon.
Consommation numérique et nouvelles
Les plus grands lecteurs de nouvelles sont souvent des jeunes adultes (18-34 ans), qui privilégient des récits courts et dynamiques. Une étude de Pew Research Center (2021) indique que cette tranche d’âge est la plus susceptible de lire des livres sous forme numérique, notamment des nouvelles, qu’ils consomment souvent en quelques heures.
L’essor des plateformes comme Wattpad, Medium, ou Amazon Kindle permettent aux auteurs de publier directement leurs nouvelles et de les rendre accessibles à un large public. Cette accessibilité immédiate renforce la popularité des récits courts dans des sociétés où la lecture numérique est en pleine expansion.
Par ailleurs, le phénomène des podcasts littéraires aux États-Unis et au Royaume-Uni a également contribué à la popularité des nouvelles. Des séries comme LeVar Burton Reads (où l’auteur lit des nouvelles) ou Selected Shorts (un programme qui propose des lectures de nouvelles) ont trouvé un large public. Ces podcasts offrent une manière de consommer des histoires courtes de manière immersive et pratique, ce qui correspond aux tendances actuelles de consommation de contenu.
La nouvelle est donc un genre littéraire pleinement adapté au monde moderne. Elle continue de séduire les prescripteurs que sont les jeunes anglo-saxons.
La nouvelle : le terrain de jeu de la littérature de genre ?
Le format court et souvent incisif de la nouvelle s’adapte bien aux codes de la littérature de genre, telle que le thriller, le fantastique ou le polar.
- Concision et efficacité : Les genres comme le thriller ou le polar se nourrissent souvent de récits dynamiques, avec des intrigues qui doivent capturer l’attention rapidement. La forme courte de la nouvelle permet de concentrer l’action, de maintenir le suspense, et de délivrer une chute souvent surprenante ou choc, ce qui est idéal pour ces genres.
- Exploration de l’étrange ou de l’inconnu : Le fantastique, par exemple, aime jouer avec les frontières du réel et de l’irréel. Dans une nouvelle, cette exploration peut être menée de façon rapide et percutante, sans le besoin d’une longue construction narrative. Un simple événement surnaturel peut être le point de départ d’une réflexion ou d’une atmosphère étrange qui se déploie en quelques pages.
- Développement de personnages marquants : Les nouvelles de genre parviennent souvent à créer des personnages mémorables, grâce à leur intensité et à leur concentration sur un ou deux éléments clés. Par exemple, dans un polar ou un thriller, un détective ou un criminel peut être esquissé de manière si vive qu’il marque les esprits, même en quelques pages.
- Flexibilité narrative : Les genres comme le fantastique ou l’horreur permettent de jouer avec les conventions, d’introduire des éléments de surprise, et de faire monter la tension très rapidement. La nouvelle, par sa brièveté, est idéale pour ce genre de rupture narrative où l’intrigue doit se dénouer rapidement et souvent de manière inattendue.
En conclusion, la forme courte de la nouvelle permet aux auteurs de genres de jouer avec les codes et de surprendre leur lecteur, ce qui en fait un terrain d’expérimentation particulièrement riche pour ces types de récits.
Nouvellistes : des carrières façonnées par des histoires courtes
Certains écrivains ont fait de la nouvelle leur terrain de jeu favori, s’épanouissant dans ce format court qui leur permet de surprendre, d’émouvoir, et de captiver en un temps limité. C’est le cas de Annie Saumont, Marie NDiaye, ou Yasmina Reza qui ont brillamment utilisé la nouvelle pour raconter des histoires d’une grande intensité émotionnelle. Leurs récits, d’une grande précision, capturent des moments de bascule dans la vie des personnages, des instants de vérité qui résonnent bien au-delà des quelques pages.
Voici quelques recueils de nouvelles passionnantes.
- Le Horla de Guy de Maupassant
- Femmes sans merci de Camilla Läckberg
- Trois femmes puissantes de Marie NDiaye
- Hammerklavier de Yasmina Reza
- L’Envers du décor de Tatiana de Rosnay