Chroniques de livres Roman

Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur • Harper Lee

Chronique littéraire Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur par Mally's Books
Paru en 1960, au cœur de la lutte pour les droits civiques, Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur a connu un succès immédiat. Était-ce un hasard que cette histoire de tolérance se dévoile à un moment si crucial de l’histoire ? Ou Harper Lee a-t-elle voulu démontrer que l’éducation joue un rôle prédominant dans l’évolution des mœurs ?
Ce roman, édité en format pocket par les éditions Livre de poche, est classique de la littérature contemporaine. A lire et à relire sans se priver…

La quatrième de couverture…

” Dans une petite ville d’Alabama, au moment de la Grande Dépression, Atticus Finch élève seul ses deux enfants, Jem et Scout. Homme intègre et rigoureux, cet avocat est commis d’office pour défendre un Noir accusé d’avoir violé une Blanche. Celui-ci risque la peine de mort. “

Mon avis…

Pour moi, situer cette histoire dans l’Alabama des années 30, dans une bourgade encore profondément conditionnée par les mentalités sudistes, et marquée par la défaite des Confédérés n’est pas anodin. De manière implicite, l’auteure rappelle la difficulté des conditions de vie dans les Etats du Sud à l’issue de la guerre de Session. Une économie en lambeau, un orgueil blessé, et toute une tranche de la population américaine qui, même 70 ans plus tard, a encore du mal à digérer l’abolition de l’esclavage, et fait volontiers des “nègres” des boucs-émissaires idéaux. Dans un tel terrain de haine, le racisme a eu tout le loisir de prospérer.
Alors apprendre qu’un des leurs, qu’un homme d’Etat siégeant à la Chambre de Représentants accepte avec honneur de défendre un Noir accusé de viol sur une Blanche, c’est le coup de canif impardonnable !
Atticus Finch, l’homme en question, est pourtant quelqu’un de respectable, issu d’une grande famille de Maycom. On lui reconnait quelques originalités, notamment dans sa façon peu conventionnelle d’éduquer ses enfants. Jem et Jean Louise (Scout) ont été élevés avec une certaine dose de tolérance et d’égalité, et ne comprennent pas toujours les reproches des habitants de la ville. Tous deux sont des enfants curieux du monde qui les entourent, avides de jeux et de découvertes. En compagnie de leur ami Dill, ils explorent les recoins de leur quartier et vont bientôt être confrontés à une affaire autrement plus complexe : les mœurs.
A travers les yeux de Scout, cette petite fille bagarreuse et impertinente, Harper Lee fait échos de cet équilibre ténu entre la naïveté enfantine et la réalité du monde des adultes. Avec ses mots, Scout nous présente ce sujet grave qui deviant, pour elle aussi, un cas de conscience. On est tout de suite ébahit par l’intelligence de cette petite fille qui peu à peu se défait de son innocence et se prend à résonner comme une adulte. Le traitement de l’enfance adopté par Harper Lee est d’une incroyable richesse, à la fois drôle, fragile et plein de bon sens.
La pression sociale est également un élément très important de ce roman. On la retrouve de manière récurrente dans le texte, lorsque les enfants sont pris à parti par leur cousin, lorsqu’ils subissent les insultes de leurs camarades à l’école ou lorsque des adultes s’arrêtent chaleureusement dans la rue pour leur faire part de leur point de vu. Mais le personnage de la Tante Alexandra, qui se fait garante de la “respectabilité” de la famille, est également là pour rappeler le comportement peu convenable d’Atticus Finch. Ne pas déroger aux bonnes mœurs par peur des “On dit” ? En filigrane se dessine une question universelle : la raison du peuple est-elle toujours la plus forte?
Au milieu du roman on débouche sur l’épineuse question du procès. Quatre-vingt pages réellement passionnantes au cours desquelles on suit l’argumentaire mesuré d’Atticus Finch, qui dévoile une vérité tellement évidente qu’on s’indigne qu’un procès puisse même avoir lieu. L’avocat tire les ficelles, se joue de l’incohérence des témoignages des plaignants, pour une issue qu’on devine malgré tout fatale. L’injustice est à son comble.

Pour résumer…

Alors quel est l’impact de ce roman à l’aube des années 60 ? En traitant des sujets difficiles tels que le racisme, l’injustice, la reproduction sociale, la pression de mœurs, l’auteure tend à expliquer les fondements du contexte ségrégationniste. Non pas pour le défendre mais pour rappeler que contre l’opinion générale, il suffit d’un homme pour s’élever et valoriser les valeurs de respect, de fraternité et de courage. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur fait preuve d’une grande ouverture, ce qui explique certainement sa présence dans les programmes scolaires anglo-saxon. Un roman sociétal devenu un classique de la littérature américaine.
Avant de s’éteindre en début d’année, Harper Lee a laissé derrière elle un ultime ouvrage : Va et poste une sentinelle. Dans ce livre, l’auteure poursuit la quête des personnages. Je sais d’ores et déjà que Scout sera la narratrice de cette histoire, mais j’espère que Jem en sera le personnage central. Jem me laisse un sentiment de mystère très intéressant. On sent beaucoup de questions en suspens chez ce jeune garçon et j’ai beaucoup d’espoir pour que ce nouvel opus met en scène sa soif de justice.

Ma note…

16/20

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