Chronique littéraire Ah _ Ça ira... par Mally's Books - Mélissa Pontéry


QUATRIÈME DE COUVERTURE
« Sur le bord du trottoir, dans la
fraîcheur de l’aube, il attend. Dans un instant cet homme va agir sans le
moindre état d’âme, et se placer en état de guerre. Deux décennies plus tard,
Antoine sort de prison. Sa fille Rosa n’a pas trente ans, c’est elle qui, pour
une large mesure, l’a maintenu en vie pendant tout ce temps. Nous sommes en
2037, Paris est une ville où il est impossible de se loger, la faillite sociale
est infernale, la rébellion gronde, les inégalités sont innommables mais le
temps de la révolte ne passe plus par la violence. Lointaines pour la
génération de Rosa, ces idées de libération armée sont en quelque sorte
périmées : les actions terroristes, les endoctrinements idéologiques n’ont plus
de sens, plus de poids, et la démocratie telle que l’a connue l’histoire du XXe
siècle a fait long feu. Une autre époque de l’engagement s’est ouverte, celle
du passage à l’acte citoyen. Ah ! Ca ira… est un livre construit sur le réel
mais habité de rêves comme devrait l’être tout projet d’avenir, toute utopie
sincère. A cela Denis Lachaud a ajouté une pointe d’humour, un peu de fantaisie
nécessaire pour considérer l’Etat et le monde qu’il nous promet… »
MON
AVIS
J’aurai pu vous dire
que la réflexion politique qu’amorce ce livre m’a complètement chamboulé et
fait prendre conscience de ma responsabilité en tant que citoyenne. J’aurai pu
vous dire que je sors de cette lecture plus ouverte sur le dialogue social et
sur le monde, mais à la vérité, ce qui m’a le plus frappé dans cet ouvrage, c’est
l’écho que son titre a eu sur ma vie ces derniers jours. Ah !
Ça ira… Ce soupir de lassitude et de fatigue qui
nous avale tous et nous plombe de nostalgie, d’amertume et de découragement.
Juste derrière lui se traine le reflet, fatigué, du combat que chaque jeune
mène pour se construire un avenir prospère… Le titre a lui tout seul est tout un
concept, traduit le quotidien des français.
La vision
avant-gardiste de cette utopie m’avait attiré avant même que l’ouvrage n’investisse
les librairies. Son ancrage dans le réel et sa capacité à imaginer une réponse
aux grandes questions du moment (crise économique, affût de migrants, désengagement
auprès des banlieues…) en fait un roman moderne, engagé et profondément humaniste.
Dès les premiers mots,
l’intrigue démarre sur les chapeaux de roues. Comme dans un thriller on est
happé par l’histoire de cet homme, Antoine  est en apparence un banal
employé d’imprimerie mais  il pose un
regard révolutionnaire sur le monde qui l’entoure et n’hésitera pas à assassiner
le Président de la République pour faire entendre ces idées.
Un homme qui parmi toutes les formes
de violences possibles a décidé que la sienne serait légitime. C’est
glaçant !
Puis vient la seconde phase du récit, plus calme, au court
de laquelle Antoine vit ses 21 ans de réclusion. L’isolement d’abord, les
travaux physiques et mentaux pour s’entretenir et survivre ; puis la
promiscuité confrontée à l’impossibilité d’avoir  l’ombre d’une vie sociale, de tisser des liens
avec ses codétenus, sans cesse renouvelés. Après tant d’années d’emprisonnement,
que va devenir celui qui a osé rêver de changement politique ? A t-il encore
des opinions sur le gouvernement ? Que pense-t-il à présent de celui qu’il
était ? 
En parallèle, on découvre l’absence du père du côté de
l’enfant. La maturité forcée de la petite Rosa, obligée de grandir trop vite et
de s’intéresser aux choses du gouvernement pour comprendre sa propre histoire. Lors
des retrouvailles, on voit s’approcher deux étrangers qui se jaugent et
cherchent à s’apprivoiser alors même qu’ils ont tant en commun.
Vingt-cinq ans après la tentative avortée d’Antoine, le
mouvement contestataire se perpétue. A travers les yeux de Rosa et son ami
Rufus, on voit naître peu à peu une nouvelle conscience politique. Très vite, cette
génération des « oubliés » organise la révolte, étaye ses revendications
jusqu’à créer un nouveau parti politique. Mais dans cette société ultra
technologique, où la vidéo surveillance règne en maître et les drones-snipper
se baladent parmi la foule, la violence n’est plus l’arme la plus pertinente. Aidée
par le pouvoir grandissant des réseaux sociaux, la mobilisation pacifique
remporte quant à elle un grand succès, jusqu’à
bousculer les
frontières de l’inaltérable classe politique toujours plus élitiste,
embourgeoisée, avide de pouvoir et affranchie
des lois.
Denis Lachaud dresse un portrait cinglant de notre réalité
politique et du futur qu’elle nourrit. Son écriture est franche, cynique mais
profondément juste. Il n’hésite pas à écorcher encore davantage l’image du
politique égocentrique, dénonce implicitement la suprématie des chaines d’informations
et le traitement toujours plus extrême de l‘actualité. Sans pour autant imposer
sa vision au lecteur, il l’invite à  réinventer le principe même de la démocratie
et les valeurs qui l’accompagnent. Bien plus qu’un analyste, il se place en
philosophe et lève le voile sur les dysfonctionnements de notre société.
Ses personnages sont extrêmement touchants, notamment du
point de vue relationnel. Dans tout le roman, on sent un flux débordant d’amour
et pourtant chaque personnage prend soin de conserver une distance protectrice
avec ses congénères. Plus que jamais on se questionne, mais on se rappelle
également que l’on vit.
Pour moi, ce livre est une réponse précieuse face à la
culture du déplaisir et de l’austérité. Je ne peux que le conseiller.

MA NOTE
17/20

 

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