Chroniques de livres Roman

Le liseur du 6h27 • Jean-Paul Didierlaurent

Chronique littéraire Le Liseur du 6h27 par Mally's Books - Mélissa Pontéry
J’ai découvert Le liseur du 6h27 de manière un peu inattendue, en tombant sur une insertion presse dans un quotidien gratuit, et tout de suite le côté un peu fantaisiste et décalé de la communication m’a interpellé. C’est assez rare de tomber sur des campagnes originales lorsque l’on cherche à vanter les mérites d’un livre, alors ce plan de transport en commun qui nous promettait bonheur au bout de la ligne avait forcément toutes les qualités nécessaires pour piquer ma curiosité. Mon légendaire esprit de contradiction et moi-même avons trouvé l’accroche franchement gonflée, et en lectrice adepte de précision, j’ai évidemment voulu vérifier la véracité du discours.

La quatrième de couverture…


” Guylain Vignolles est préposé au pilon et mène une existence maussade et solitaire, rythmée par ses allers-retours quotidiens à l’usine. Chaque matin en allant travailler, comme pour se laver des livres broyés, il lit à voix haute dans le RER de 6H27 les quelques feuillets qu’il a sauvé la veille des dents de fer de la Zerstor 500, le mastodonte mécanique dont il est le servant.

Un jour, Guylain découvre les textes d’une mystérieuse inconnue qui vont changer le cours de sa vie…”

Mon avis…

Je n’attendais rien de particulier de ce petit roman si ce n’est un peu de légèreté. Dès les premières pages, on sent flotter une étrange atmosphère autour de ce récit. On entrevoie très rapidement ce contexte de monotonie du quotidien, de solitude dont nous sommes tous familiers, mais qui contraste avec ces personnages tous plus singuliers les uns que les autres.
Guylain qui détruit des livres toute la journée mais dont la principale occupation est de prélever chaque jour quelques pages qu’il lira le lendemain dans le RER. Une habitude étonnante qui le mènera devant un public de personnes âgées, qui s’anime à l’écoute de ces quelques feuillets volatiles. Comme si la simple évocation d’une histoire sans début ni fin, d’un instant littéraire réveillait leurs esprits. Giuseppe, victime d’un accident du travail dans la fameuse Zestor 500 qui part en quête de ses jambes perdues en s’appropriant les 1299 livres qui ont été imprimés ce jour-là. Ou encore Yvon, ce passionné de théâtre classique qui lit des vers à longueur de journée et déclame à chaque pause déjeuner.
Ce personnage est l’un de mes préférés car il vit la littérature comme les grands dramaturges de l’époque pouvaient le faire. Il incarne une ferveur pour les lettres, qui semble désormais perdue mais qui donne pourtant toute sa grandeur à la littérature. Qui, de nos jours, compose des vers en s’inspirant de sa vie et ses tracas quotidiens ? Le rythme de l’alexandrin associé à l’humour apporte une fantaisie et une force au discours que j’ai adoré. Ses répliques sont particulièrement bien senties et ça fait du bien de rappeler que l’art de l’éloquence est toujours le plus efficace.
Chacun des personnages créés par Jean-Paul Didierlaurent entretient un rapport particulier avec le monde des livres et ont la fabuleuse faculté de sublimer leurs vies grâce avec une pointe de poésie.

Que dire enfin de cette histoire d’amour naissant à travers des textes volés ? Cette idylle empreinte de timidité a un charme qui n’est pas sans rappeler celui d’Amélie Poulain, tout en retenu, en légèreté et en douceur. La délicatesse de l’approche et l’ardeur dans la recherche nous tient en haleine jusqu’au bout.

Pour résumer…

J’ai aimé l’optimisme et l’espoir qui se dégage de ce texte qui prend les traits d’un conte moderne. C’est tendre, drôle, profondément humain. En parcourant ce livre, j’ai soudain eu envie de relire de la poésie tant c’est doux et envoûtant. Je tiens également à féliciter les créatifs pour la couverture du livre poche qui m’a interpellé tout le long du roman et qui est finalement très bien trouvée. Encore une touche d’originalité qui m’a bien fait sourire.
Pour conclure, c’est un récit comme je les aime, profondément ancré sans la réalité, plein de partage, d’humour et aspergé un soupçon d’eau de rose. Un petit livre qui réconforte, qui donne le sourire et surtout un bel hommage à la littérature et à la lecture. Comme le promettait l’accroche, ce livre m’a fait passer un très bon weekend. Je le recommande pour s’aérer l’esprit le temps de 193 pages.

Ma note…

14/20
Citation de Giuseppe à Guylain :
“On est à l’édition ce que le trou du cul est à la digestion !”
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