Chroniques de livres Roman

Mille ans après la guerre, les liens du sang comme ultime souvenir

Chronique littéraire Mille ans après la guerre par Mally's Books - Mélissa Pontéry

Pour la Rentrée Littéraire, Les Escales ont mis à l’honneur l’écriture chaloupée de Carine Fernandez. Mille ans après la guerre offre un univers intimiste dans lequel le poids du silence laisse place à un voyage intérieur douloureux, mais tout en sensibilité.

À lire, pour la beauté brute des sentiments.

La quatrième de couverture…

Miguel est un vieux solitaire, veuf depuis des années, qui n’apprécie que la compagnie de son chien Ramon. Un matin, il reçoit une lettre de sa sœur Nuria. Elle a perdu son époux et compte venir vivre auprès de lui. Le vieux est pris de panique : sa sœur chez lui, c’en est fini de sa tranquillité, de son bonheur innocent avec Ramon. Il faut fuir ! Son chien sur les talons, le vieux prend un autocar en direction de l’Estrémadure, où il n’était jamais retourné depuis la guerre civile.

Montepalomas, le village de son enfance, est enseveli sous les eaux d’un barrage. Pourtant du lac les souvenirs remonteront. Des pans entiers de sa jeunesse belle et terrible. Peut-être est-il temps de se libérer du passé…

à la recherche de l’absolution…

Lorsqu’on lit les premières pages de Mille ans après la guerre, on imagine une fantaisie burlesque entre ce vieil homme solitaire, heureux de ses petites habitudes et sa matrone-sœur, autoritaire maîtresse de maison venue pour remettre de l’ordre dans son quotidien. On jubile d’avance à l’idée de lire un texte léger et coloré.

Mais très vite, une ombre de souffrance et de nostalgie est venue s’installer sur le personnage de Medianoche. « Minuit », comme si ce sobriquet, donné au cours de ses jeunes années, avait définitivement condamné l’homme à vivre dans les ténèbres.

Le récit est décousu. Comme une toile de Seurat, l’auteure dépose les informations par petites touches se jouant du clair-obscur, substituant l’immédiateté du souvenir à la chronologie des faits. On ne sait pas trop où l’on va mais déjà on perçoit la déchirure humaine. Par bribe, l’histoire se met en ordre.

Medianoche est loin d’être un petit vieux comme les autres. Il témoigne au contraire d’une des plus noires périodes qu’ait connues l’Espagne : la dictature Franquiste. Au cœur de la guerre civile, Miguel -dit Medianoche– est un jeune homme de 17 ans, anarchiste sans l’être mais surtout victime d’une prise de pouvoir qui ne laisse guère la place aux suppositions. Si le jeune homme n’est pas nationaliste, il est forcément contre la République, et avec lui toute sa fratrie. Si Medianoche échappe aux expéditions punitives, Médiodia, « Midi », son frère jumeau, n’y échappera pas… Miguel connaîtra la prison, les camps de travail, les passages à tabac, avant de finalement découvrir la liberté au début des années 50. Mais soixante ans après les événements, le visage de son alter-ego ne cesse de le hanter.

Carine Fernandez ne décrit pas le récit d’une fuite en avant, mais l’ultime pèlerinage d’un être blessé venu chercher la paix.

Pour résumer…

Mille ans après la guerre est un voyage intérieur empreint d’une sensibilité subtile. Comme vidé de sa substance, Medianoche traverse la vie sans vraiment en faire partie. Il cache au fond de lui de terribles épreuves témoignant d’une Espagne violente et intraitable.

À travers cette vie brisée, Carine Fernandez produit une catharsis brillante.

Ma note…

15/20

Mille ans après la guerre
Carine Fernandez
240 p. Les Escales, 17,90 €

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