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Le dernier des nôtres • Adélaïde de Clermont-Tonnerre

Chronique littéraire Le Dernier des nôtres par Mally's Books - Mélissa Pontéry
Chronique littéraire Le dernier des nôtres par Mally's Books
Parmi les nombreux romans de la Rentrée Littéraire, j’ai eu la chance de recevoir Le dernier des nôtres de la part des Editions Grasset. Bien avant sa parution, le 17 août dernier, j’avais repéré ce titre grâce à son résumé. Comme souvent, l’intrigue sur fond de Seconde Guerre Mondiale m’avait interpellée et l’idée d’une double histoire sur la trace d’origines personnelles avait fini de me conquérir. Pourtant, les différents commentaires glanés sur le web avaient un peu refroidi mes ardeurs. Globalement, le récit semblait avoir déçu les lecteurs et c’est donc avec grande surprise que j’ai appris que le roman avait reçu le Grand Prix de l’Académie Française. La preuve, s’il en fallait une que les perceptions divergent entre amateurs et professionnels, et c’est précisément cet écart d’opinion qui m’a donné envie de me plonger dans le livre.

La quatrième de couverture…

« La première chose que je vis d’elle fut sa cheville, délicate, nerveuse, qu’enserrait la bride d’une sandale bleue… »

Manhattan, 1969 : un homme rencontre une femme.


Dresde, 1945 : sous un déluge de bombes, une mère agonise en accouchant d’un petit garçon.


Avec puissance et émotion, Adélaïde de Clermont Tonnerre nous fait traverser ces continents et ces époques que tout oppose : des montagnes autrichiennes au désert de Los Alamos, des plaines glacées de Pologne aux fêtes new-yorkaises, de la tragédie d’un monde finissant à l’énergie d’un monde naissant… Deux frères ennemis, deux femmes liées par une amitié indéfectible, deux jeunes gens emportés par un amour impossible sont les héros de ce roman tendu comme une tragédie, haletant comme une saga.

Mon avis…

Le récit alterne entre deux époques, 1945 et 1969. On fait tout d’abord la rencontre d’un jeune homme passionné, plein d’avenir, qui porte encore en lui une zone d’ombre sur ses origines mais qui est globalement quelqu’un d’épanoui. Puis c’est le fashback. Un petit garçon aux yeux clairs se retrouve en prise au milieu de l’un des conflits armés les plus destructeur de l’époque moderne. Dès le départ on comprend que ces deux destins ne font qu’un homme : Werner Zilch.
Entrecoupé de flashes historiques qui disséminent quelques indices sur les origines du jeune Werner, on suit l’idylle naissance entre le héros et Rebecca. Une amourette somme tout est assez convenue, mais qui nous permettra au fil des pages de découvrir les caractères des personnages. Cette histoire d’amour, c’était un peu l’atout charme du récit ; mais la relation explosive entre la petite fille riche et sauvageonne qui rencontre le jeune premier sans nom ni fortune, mais avide de réussite et de pouvoir n’a pas su me séduire. Le personnage de Rebecca m’a laissé de glace et au fil des pages, l’image du Werner m’est apparue de plus en plus antipathique. Se dessine le portrait d’un enfant gâté qui ne supporte pas qu’on lui dise non, égoïste, autoritaire et impatient. J’ai eu beaucoup de mal à m’attacher aux personnages et la dualité de l’écriture n’a fait que renforcer ce sentiment.
Le point de vue qui alterne narrateur omniscient et narrateur sous la voix de Werner est à mon sens un mauvais choix. D’un côté on nous raconte une histoire, de l’autre on a l’impression de lire la complainte d’un homme incompris. Comme toujours, l’emploi du passé simple me semble établir une distance conventionnelle qui me met mal à l’aise.
Pendant le premier tiers du livre, le récit se concentre sur le Werner adulte et les quelques flashback en 1945 ne nous permettent pas vraiment de saisir le point d’ancrage des deux histoires. Bien sûr, on se doute que les origines de Werner sont en question, mais reste un voile d’incompréhension qui nous tient en haleine. Autant, on a du mal à comprendre l’enchaînement du récit et à la fois, on a du mal à s’en détacher…
Puis, vient la révélation aux alentours de la page 300. Un choc soupçonné qui apporte un peu de mouvement dans l’histoire. Pourtant, d’un coup, c’est une pluie d’informations. On se perd dans l’enchevêtrement de connexions et de rebondissements qui laissent un peu pantois ; et desservent finalement l’équilibre du récit.

Pour résumer…

Malgré le remarquable effort intellectuel fourni par l’auteure, le tragique du Dernier des nôtres n’a pas su me toucher. Je n’ai pas apprécié le récit de l’histoire d’amour entre Werner et Rebecca qui, pour moi, n’apporte rien au fil conducteur.
En revanche, le livre aborde un sujet -dont je ne peux vous parler au risque de révéler l’intrigue- resté longtemps tabou dans les études sur le nazisme. A mon sens, le réel intérêt de cet ouvrage réside dans cette capacité à lever le voile sur un pan oublié du régime du troisième Reich. J’aurais apprécié qu’Adélaïde de Clermont-Tonnerre développe son récit en s’intéressant davantage à cette révélation. J’ai appris des choses sur les codes de l’univers concentrationnaire nazi, mais j’aurais préféré qu’une inutile histoire d’amour d’une autre époque ne vienne pas brouiller le message.

Ma note…

13/20

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