Après le mystère de La Princesse des glaces, Erica Falck et Patrik Hedström se trouvent à nouveau confrontés à une série de crimes aussi curieux qu’inquiétants. Le Prédicateur révèle l’atrocité des hommes, mais au-delà se cache une réalité mystique bien plus dérangeante…
Camilla Läckberg signe un polar toujours aussi troublant.
La quatrième de couverture…
Dans les rochers proches de Fjällbacka, le petit port touristique suédois dont il était question dans La Princesse des glaces, on découvre le cadavre d’une femme. L’affaire se complique quand apparaissent, plus profond au même endroit, deux squelettes de femmes… L’inspecteur Patrik Hedström est chargé de l’enquête en cette période estivale.
Lentement, le tableau se précise : les squelettes sont certainement ceux de deux jeunes femmes disparues vingt-quatre ans plus tôt. Revient ainsi en lumière la famille Hult, dont le patriarche, Ephraïm, magnétisait les foules, accompagné de ses deux petits garçons, Gabriel et Johannes, dotés de pouvoirs de guérisseurs. Depuis cette époque et un étrange suicide, la famille est divisée en deux branches qui se haïssent.Alors que Patrik assemble les morceaux du puzzle, on apprend que Jenny, une adolescente en vacances dans un camping, a disparu. La liste s’allonge…
Absolu : la foi excuse-t-elle tout ?
Famille…
Étrangement, toutes les pistes convergent vers une seule et même fratrie : les Hult. Mais les deux enfants du Prédicateur Ephraïm Hult ne semblent pas avoir hérité des mêmes avantages. Alors que Gabriel a su s’imposer comme un homme respectable, socialement bien établi et estimé, Johannes laisse derrière lui une famille démunie, anéantie par la honte et l’amertume. À Fjällbacka comme ailleurs, les commérages vont bon train. Mais aussi bien cachés soient-ils, les secrets finissent toujours par être déterrés…
Le noyau de la famille est toujours un élément central des romans de Camilla Läckberg, celui par qui tout arrive. Parce que la famille est le premier lien social et probablement l’un des plus forts et des plus complexes, l’auteure y trouve à chaque fois une inépuisable ressource de nœuds à démêler. Et lorsque celle-ci évolue dans un environnement religieux, dans lequel la croyance est une valeur fondatrice, l’attrait psychologique n’en est que plus fort.
Culte…
Au-delà de l’enquête policière, Läckberg aborde dans ce roman l’épineuse question de la doctrine religieuse face à la raison humaine. Jusqu’où la croyance peut-elle mener ? Si la foi motive les actions des croyants, ces actions sont-elles justes pour autant ? Elle dénonce en quelques sortes le caractère sacré, absolu de la religion qui impose un cadre de pensée rigide, et privé de sens critique.
Par ailleurs, elle fait un parallèle intéressant entre la religion qui spécule sur la faiblesse des hommes, leurs angoisses, leurs désirs, et la vaste mascarade inventé par Ephraïm Hult qui semble s’appuyer sur les mêmes piliers. Où se trouve la notion de relativité ? À l’image du tueur, persuadé d’agir pour de bonnes raisons, aller trop loin dans la croyance, n’est-ce pas aller à la déraison, sombrer dans la folie ? Certains trouveront le dénouement de l’enquête un peu abracadabrantesque ; peut-être était-ce le cas à l’époque de la sortie du livre (2004). Mais plus de dix ans après, est-ce si étonnant ?
De manière implicite, Camilla Läckberg rappelle simplement que l’ouverture d’esprit est indispensable pour vivre en paix et en harmonie.
… et réalité.
Le second aspect particulièrement intéressant dans ce roman est le caractère profondément humain des deux héros principaux. Comme pour trancher avec l’horreur accablante qui plane sur ses histoires, Erica et Patrik sont là pour représenter l’homme dans tout ce qu’il a de plus « normal », doté de sensibilités, de faiblesses. Somme toute, des personnages qui acceptent de ne pas toujours maîtriser leurs destins. Cela se retrouve en particulier chez Erica qui dresse un portrait peu flatteur de la grossesse, mais finalement assez réaliste. Ce choix narratif amène un côté rassurant au milieu de toutes ces atrocités, et contribue à créer l’attachement aux personnages.
Pour résumer…
Le Prédicateur va encore plus loin dans le macabre en installant un process de crime inoubliable et singulier. Au début du livre, on a pourtant une impression de facilité. Les connexions se font rapidement et simplement, peut-être un peu trop… Car bien sûr, c’est sans compter sur la dextérité de Camilla Läckberg qui multiplie les pistes foireuses, les faux suspects et les zones d’ombre pour nous faire avancer à pas de loup. La mécanique du suspense est parfaitement maîtrisée, et l’auteure manipule son lecteur avec jubilation.
À travers cette saga, elle nous propose la chronique sociale d’un monde au sein duquel la haine et la violence sont plus que jamais la norme. Ses récits vont bien au-delà de la simple enquête policière, mais proposent toujours une analyse d’une thématique particulière et universelle : la famille, le rapport à la religion, la nostalgie du passé, la construction identitaire… L’écriture de ce type de textes demande un effort de compréhension psychologique, de recherches et de créativité qui force l’admiration.Pour conclure, Le Prédicateur fait froid dans le dos.
Ma note…
15/20
Le Prédicateur
Camilla Läckberg
500 p. Babel Noir, 9,70 €
Dans la même saga
La Princesse des glaces
Le Tailleur de pierre
L’Oiseau de mauvais augure
L’Enfant allemand
La Sirène