Lire Le serment du passeur, c’est un peu comme jouer à colin-maillard. On se laisse bander les yeux, persuadé qu’on est plus fort que tout le monde et qu’on ne se perdra de toute façon jamais. Mais une fois privé d’un de ses sens, l’environnement parait soudain bien inconfortable. Avec cet étonnant roman, Frédéric Clémentz se joue de nos certitudes.
La quatrième de couverture…
“Antoine Drévaille n’oubliera jamais. Dévasté à quinze ans par une agression d’une violence inouïe, il décide, 19 ans plus tard, d’adresser une longue lettre à son tortionnaire. Une confession hallucinante pour se désencombrer enfin de cette humiliation qui a souillé sa vie. Mais le passé ne rend pas les armes aussi facilement. Un lourd secret révélé un matin d’hiver dans les somptueuses calanques de Cassis va de nouveau bouleverser la vie d’Antoine. À partir de cette seconde vertigineuse face aux vagues hurlantes, cet homme marqué au fer rouge et soudain « ébloui de l’intérieur » va faire de sa nouvelle vie un combat sidérant contre les coups de poignard du destin : le sien et celui de ceux qu’il aime, qui sont à genoux et n’ont plus la force de se battre. Mais n’y a-t-il pas derrière le secret dévoilé dans les calanques un piège abyssal, une illusion et le début d’un nouvel enfer ? Peut-être. Ou peut-être pas. Ce qui est sûr, c’est que l’histoire d’Antoine Drévaille va loin. Très loin. Jusqu’à l’impensable. La voici.”
Mon avis…
L’histoire commence par ce qui semble être la préparation d’une vengeance de la part d’un homme brisé. Les premières pages nous plongent dans une atmosphère ultra sombre, nourrie des pires horreurs dont est capable le genre humain : séquestration, viol, maltraitance… avec en filigrane un sujet fort : haine de la différence.
Puis on bascule dans un toute autre monde, comme de l’autre côté du miroir. Comme dans un rêve, le subconscient reprend ses droits.
[Attention Spoiler]
On pense d’abord à une forme de bi-polarisation du héros. Car cet homme que l’on croyait fragile aussi bien psychiquement que physiquement est en fait un auteur à succès tombé dans le coma à la suite d’un accident malheureux.Y est abordé un sujet étonnant, qu’on a peu l’habitude de lire dans les polars : comment notre cerveau fonctionne-t-il dans un état comateux? Protégé par cette barrière d’inconscience le héros s’invente une réalité déformée dans laquelle se mêlent des quotidiens loufoques, à la limite de la folie. On se sent comme catapulté dans un univers très paradoxal, où ce qu’on imaginait être la réalité n’est en fait que le fruit d’une activité cérébrale biaisée. Alors on s’interroge sur la puissance du cerveau ; ces étranges connexions faîtes avec la vraie vie et la manière dont notre matière grise l’interprète. On se sentirait presque menacé par notre propre corps.
[Attention Spoiler]
Et alors même qu’on pense avoir la clé de l’histoire, alors même qu’on pense avoir saisi les fondements de l’intrigue, un ultime bouleversement survient pour nous dérouter davantage.
Frédéric Clémentz maîtrise l’art de préserver le suspense jusqu’au bout et pour un si petit roman, c’est un joli coup. Ce texte m’a dérouté, baladé, perdu et c’est très exactement ce que j’attends d’un roman : être bousculée. L’intrigue basée sur l’activité cérébrale des gens dans le coma est un sujet fort et inattendu. La manière dont il est amené surprend, dérange et ce sentiment n’est qu’accentué par le style franc et direct de l’auteur. J’ai été séduite par cette écriture poétique et imagée malgré l’ardeur terrifiante des mots. Surtout, j’ai été ravie de percevoir une telle justesse derrière le sarcasme et l’ironie. Frédéric Clémentz trouve des mots avec une précision d’orfèvre. Un vrai travail de rédaction, une richesse dans le vocabulaire comme on en voit désormais peu.
Frédéric Clémentz maîtrise l’art de préserver le suspense jusqu’au bout et pour un si petit roman, c’est un joli coup. Ce texte m’a dérouté, baladé, perdu et c’est très exactement ce que j’attends d’un roman : être bousculée. L’intrigue basée sur l’activité cérébrale des gens dans le coma est un sujet fort et inattendu. La manière dont il est amené surprend, dérange et ce sentiment n’est qu’accentué par le style franc et direct de l’auteur. J’ai été séduite par cette écriture poétique et imagée malgré l’ardeur terrifiante des mots. Surtout, j’ai été ravie de percevoir une telle justesse derrière le sarcasme et l’ironie. Frédéric Clémentz trouve des mots avec une précision d’orfèvre. Un vrai travail de rédaction, une richesse dans le vocabulaire comme on en voit désormais peu.
Pour résumer…
L’épopée inconsciente d’Antoine Drévaille laisse le lecteur interdit, comme privé de ses repères, mais ce n’est que pour mieux l’inviter à porter un regard nouveau sur son destin. Passionnément déroutant.
Ma note…
15/20