C’est une rencontre bien étonnante qui s’est opérée entre La théorie du papillon, moi-même et son auteur. Lors de ma première lecture, j’ai eu du mal à accrocher avec l’histoire qui correspond pourtant parfaitement avec ce que j’ai l’habitude de lire. A la fin du livre, j’avais l’impression d’avoir lu deux textes différents que je ne parvenais pas à relier entre-eux. J’avais le désagréable sentiment d’avoir raté une étape et j’étais profondément dérangée de ne pas avoir su saisir tous les détails de l’intrigue.
Alors j’ai sollicité l’auteur, qui m’avait gentiment fait parvenir son livre, afin qu’il m’explique quel avait été son cheminement de pensé. C’est fou comme l’attachement à un récit peut se jouer à peu de choses. Grâce à ses éclairages, j’ai compris que cette histoire était à envisager avec du recul, car son fil rouge traite de questions beaucoup plus philosophiques que terre à terre. Comment envisage-t-on la survie ? Comment pardonne-t-on face à une trahison ? Pour préserver son équilibre, une famille doit-elle ouvrir la boîte de Pandore et révéler tous ses secrets ou au contraire se taire pour le bien-être de tous ?
La quatrième de couverture…
“Alice et Gabrielle, qui ne se sont pas adressées la parole depuis dix-sept ans, se retrouvent pour les obsèques de leur mère dans un petit village des Baux-de-Provence. Au moment du partage des biens, le notaire de la famille leur confie un étrange coffret en bois. À l’intérieur, quatre cahiers écrits à la main révèlent le journal intime de Geneviève Lamarthe.
Au fil des pages, le voile va se lever sur un secret de famille vieux de plus de soixante-dix ans. Au-delà de la repentance et de la difficulté du pardon, une question demeure : jusqu’où serions-nous capables d’aller pour rester en vie ? “
Mon avis…
L’histoire d’Alice et Gabrielle Lamarthe et à travers elle, l’histoire de leur mère Geneviève, remue en nous des démons oubliés. Elle nous rappelle à quel point prendre en compte ses propres désirs, en tant qu’individu est indispensable et à quel point l’inavouable peut être destructeur. La question de l’identité : Qui on est ? D’où on vient ? est également prépondérante et ne cesse de se rappeler à nous comme point d’urgence. Si tout ce en quoi je crois venait à s’écrouler, que deviendrais-je ? La théorie du papillon fait inconsciemment échos à des peurs profondément enfouies en chacun d’entre nous, notamment celle de perdre sa propre histoire.
En parallèle, le livre met en lumière un lieu méconnu du public et pourtant pierre angulaire du régime nazi : Terezin. Plus qu’un camp, Terezin servait d’élément de propagande au IIIème Reich pour vanter le lieu de vie idéal pour les juifs d’Europe : jardins aménagés, activités culturelles et sociales etc… En 44, le régime mis en place toute les infrastructures pour “accueillir” les peuples juifs et contribuer à leur réinstallation à l’est. Tout cela pour en réalité mieux cacher la vraie nature des déportations. Rappeler l’importance de ce lieu et tout son paradoxe me semble aujourd’hui indispensable pour prendre pleinement conscience de l’horreur que représentait la solution finale et surtout du vice avec lequel elle était mise en œuvre. Plus qu’un devoir de mémoire, c’est pour moi un devoir de citoyen que l’auteur rempli avec brio.
Enfin, ce qui m’a le plus frappé dans La théorie du papillon, c’est l’omniprésence des femmes. Il semble que Vincent Martorell accorde beaucoup d’importance à ce que j’appellerai “traduire le cœur des femmes”. J’aime beaucoup sa façon de présenter ses personnages féminins, qui toutes ont en commun une force de caractère qui les invite à casser les prérequis sociaux pour se réapproprier pleinement leurs destinés. J’y vois là une forme de courage qui donne l’espoir d’un monde meilleur.
Pour résumer…
Encore aujourd’hui j’ai l’impression qu’il me manque quelques éléments pour comprendre pleinement cet ouvrage, ceci dit j’apprécie que le voile ne soit pas complètement levé. Cela restera mon mystère littéraire du moment et à la fois, cela donne un goût de reviens-y. Vincent Martorell est un auteur que je ne connaissais pas jusque-là. Je suis contente d’avoir découvert ce premier livre qui, comme il se plait à le dire, est celui qui donnera le plus envie de lire ses autres ouvrages. Le pari est réussi, car même si j’ai été troublée par cette histoire, j’ai envie d’en découvrir davantage. Je pense qu’il est bon de s’intéresser à de nouveaux auteurs, aussi, je vous conseille de vous pencher sur l’œuvre de Vincent Martorell. Pour sûr, elle vous réserve des surprises qui ne vous laisseront pas indifférents.
Ma note…
13/20