Tout au long de l’été, les médias ont annoncé l’arrivée d’un grand roman de Joyce Maynard : Les règles d’usage. Favoris de la rentrée littéraire, j’ai de suite été touchée par le thème de ce livre sur le deuil. Comment avancer après la perte soudaine d’un proche ? Comment accepter les conséquences tragiques d’un attentat ?
Mais quelle ne fut pas ma surprise lorsque j’ai appris que le roman avait été écrit à peine deux mois après l’attaque de New York ! Alors s’explique l’exactitude avec laquelle l’auteure a su retranscrire la stupeur des événements. Tout juste publié aux Editions Philippe Rey, on peut se demander, pourquoi si tard ? Peut-être parce qu’il y a 15 ans, nous vivions cet épisode tragique de loin. Mais la France récemment frappée par des faits similaires, ce récit donne un écho sourd au malheur milliers de Français. Un roman cathartique pour nous lecteurs ?
La quatrième de couverture…
« Wendy, treize ans, vit à Brooklyn. Le 11 septembre 2001, son monde est complètement chamboulé : sa mère part travailler et ne revient pas. L’espoir s’amenuise jour après jour et, à mesure que les affichettes DISPARUE se décollent, fait place à la sidération. Le lecteur suit la lente et terrible prise de conscience de Wendy et de sa famille, ainsi que leurs tentatives pour continuer à vivre. Le chemin de la jeune fille la mène bientôt en Californie chez son père biologique qu’elle connaît à peine – et idéalise. Son beau-père et son petit frère la laissent partir le cœur lourd, mais avec l’espoir que cette expérience lui sera salutaire. Assaillie par les souvenirs, Wendy est tiraillée entre cette vie inédite et son foyer new-yorkais qui lui manque. Elle délaisse les bancs de son nouveau collège et, chaque matin, part à la découverte de ce qui l’entoure, faisant d’étonnantes rencontres : une adolescente tout juste devenue mère, un libraire clairvoyant et son fils autiste, un jeune à la marge qui recherche son grand frère à travers tout le pays. Wendy lit beaucoup, découvre Le Journal d’Anne Frank et Frankie Addams, apprend à connaître son père, se lie d’amitié avec sa belle-mère éleveuse de cactus, comprend peu à peu le couple que formaient ses parents – et les raisons de leur séparation. Ces semaines californiennes la prépareront-elles à aborder la nouvelle étape de sa vie ? Retournera-t-elle à Brooklyn auprès de ceux qui l’ont vue grandir ? »
Mon avis…
L’histoire commence une matinée de septembre. Le soleil est haut dans le ciel, l’air est frais, mais doux. Comme chaque matin, Wendy se rend à l’école. Mais aujourd’hui, elle n’embrassera pas sa mère. Le souvenir de la discussion de la veille lui reste en travers de la gorge. Comment ose-t-elle lui interdire de rendre visite à son père ?! Entre colère et frustration, elle continue son petit bonhomme de chemin. Retrouver sa meilleure amie Amélia, travailler sa clarinette, pester contre le hockey. A treize ans, on a bien d’autres envies que de se déshabiller dans un vestiaire, à la vue de toutes. Mais bientôt, ces considérations d’ado n’auront plus d’importance. A 8h46, le vol 11 American Airlines en partance de l’aéroport de Boston, Massachusetts percute la face Nord de la tour 1 du World Trade Center. La même tour dans laquelle travaille sa mère, Janet. A 9h30, un second avion, vol 175 United Airlines s’écrase contre la face Sud de la tour 2. Plus de deux cents personnes sont tuées sur le coup. Wendy le sait, elle ne reverra plus jamais sa maman.
S’ensuivent des journées hagardes, à espérer malgré tout un retour qui se fait de plus en plus hypothétique. Faire face à sa propre douleur mais également à celle de ses proches. Son beau-père Josh, qui erre comme une âme en peine. Son petit-frère, Louie, qui du haut de ses quatre ans n’ose prendre conscience de la réalité. L’angoisse, le désespoir, l’attente. Le quotidien devient insupportable, suffocant. Alors Wendy s’éclipse pour retrouver ce père qu’elle connait finalement si peu. Retrouver de l’air et un sens à sa vie. Faire son deuil…
Joyce Maynard écrit d’une plume tendre et délicate, à cheval entre une naïveté toute enfantine et un réalisme percutant. Tout d’abord, on est surpris par l’absence de ponctuation et puis on se rappelle que « les règles d’usages ne s’appliquent plus ». On s’abime dans cette distorsion qui mêle le passé et le présent à coup de flashs successifs. Aux côtés de Wendy, on découvre le visage et la personnalité de Janet ; on suit la rédemption de la jeune fille qui prend petit à petit conscience de la valeur de chaque moment, regrette ses excès de violence et prend du recul sur cette ado meurtrie et en colère qu’elle était. Au fil de son voyage, Wendy fait le deuil de sa mère et entrevoit l’apaisement de l’acceptation.
A travers ce récit, l’auteure s’intéresse également à la figure de la mère et à la valeur de la filiation.
La complexité des relations mère-enfant est omniprésente. Celle de Wendy et Janet mais aussi celles des autres personnages qui partagent sa vie. Garrett, Violet, Carolyn, Todd… tous abordent la parentalité avec ambivalence : interrogations, regrets, amertume… En parallèle se pose la question du rôle du conjoint en tant que parent, dans une famille recomposée. Les liens du sang sont-ils les seuls à définir la place de père, de mère ?
La complexité des relations mère-enfant est omniprésente. Celle de Wendy et Janet mais aussi celles des autres personnages qui partagent sa vie. Garrett, Violet, Carolyn, Todd… tous abordent la parentalité avec ambivalence : interrogations, regrets, amertume… En parallèle se pose la question du rôle du conjoint en tant que parent, dans une famille recomposée. Les liens du sang sont-ils les seuls à définir la place de père, de mère ?
Ce qui nous subjugue est également la diversité avec laquelle Joyce Maynard développe ses personnages. Apparait tout une galerie d’individus colorés mais néanmoins complexes, tous font face à l’adversité et tentent de prendre le meilleur du quotidien. Elle les décrit, chacun dans ce qu’il a de plus précieux : Janet et son amour pour la vie, Josh et sa passion pour la musique, Louie et son énergie débordante, Garrett et sa liberté, Alan et l’espoir qu’il puise dans la littérature.… Un délice d’humanisme.
Pour résumer…
Joyce Maynard nous livre un récit résolument optimiste qui évolue au rythme de son héroïne. Tout comme Wendy, l’intrigue prend de l’épaisseur et de la profondeur. Elle grandit, mûrit et fait preuve d’une grande lucidité, sur les événements, mais aussi sur elle-même. J’ai apprécié l’humanité avec laquelle se déroule cette histoire et la justesse avec laquelle sont décrits les événements. La lenteur est salutaire. Aller de l’avant, oui, mais en doucement, en prenant son temps.
Ma note…
16/20
Citation :
« Ses parents étaient aussi indissociables du paysage
que les lions flanquant le perron de la bibliothèque de New York. »