Rare sont les auteurs à faire preuve d’un style aussi spontané et authentique que Delphine de Vigan. Livre de la consécration, Rien ne s’oppose à la nuit est un texte d’une grande délicatesse qui s’attelle au sujet épineux de la famille, avec pour seul objectif de faire vivre le souvenir d’une mère. Sa mère.
Magistral !
La quatrième de couverture…
La douleur de Lucile, ma mère, a fait partie de notre enfance et plus tard de notre vie d’adulte, la douleur de Lucile sans doute nous constitue, ma sœur et moi, mais toute tentative d’explication est vouée à l’échec. L’écriture n’y peut rien, tout au plus me permet-elle de poser les questions et d’interroger la mémoire. La famille de Lucile, la nôtre par conséquent, a suscité tout au long de son histoire de nombreux hypothèses et commentaires. Les gens que j’ai croisés au cours de mes recherches parlent de fascination ; je l’ai souvent entendu dire dans mon enfance. Ma famille incarne ce que la joie a de plus bruyant, de plus spectaculaire, l’écho inlassable des morts, et le retentissement du désastre. Aujourd’hui je sais aussi qu’elle illustre, comme tant d’autres familles, le pouvoir de destruction du Verbe, et celui du silence. Le livre, peut-être, ne serait rien d’autre que ça, le récit de cette quête, contiendrait en lui-même sa propre genèse, ses errances narratives, ses tentatives inachevées. Mais il serait cet élan, de moi vers elle, hésitant et inabouti.
On ne choisit pas sa famille…
Comment se remettre du suicide d’un parent ? Pour faire son deuil, Delphine de Vigan a choisi d’explorer le souvenir de sa mère à travers un texte fort et profondément intense.
Qui était Lucile ?
Que souhaitait-elle ?
En appelant sa mère par son prénom, l’auteure se détache de son rôle d’enfant et cherche à découvrir la femme dans toute sa splendeur, ses faiblesses, ses douleurs…
L’exercice est périlleux, tributaire du jugement des proches de Lucile, mais à la fois indispensable à la sérénité de tous. Au cœur de la mémoire familiale, Delphine de Vigan exhume les souvenirs les plus heureux, et lève le voile sur les secrets les plus profondément enfouis. On découvre une fratrie en apparence heureuse, unie ; mais peu à peu, le vernis s’écaille, laissant apparaître les failles et les névroses de chacun. Somme toute une famille comme on en a tous, qui connaît les plus grandes joies et les plus tristes malheurs.
Où se trouve la place de Lucile dans cette famille joviale, mais déséquilibrée ?
Grande sœur mystérieuse et nostalgique, la jeune femme se mue en une beauté inatteignable avant de sombrer dans la folie, fragilisée sans doute par la relation malsaine qu’elle entretient avec sa famille.
Finalement, la force de Rien ne s’oppose à la nuit ne réside pas tant dans l’histoire familiale, mais dans le style choisi par l’auteure.
Delphine de Vigan raconte sa mère à cœur ouvert, exprimant sa difficulté à partir dans la fiction alors qu’elle travaille une matière emprunte de souvenirs de vie. Partagée entre la tentation du romancé et la terreur de trahir la mémoire de sa mère, l’auteure avance pas à pas et crée une œuvre en forme de carnet de bord. Un journal dans lequel les suppositions et les réflexions prennent place.
Pour résumer…
Rien ne s’oppose à la nuit est un livre ombrageux qui nous rappelle à nos propres histoires familiales. Le pari d’écrire sur sa propre mère est audacieux, périlleux, mais Delphine de Vigan le relève avec une sensibilité mesurée et une profondeur indiscutable. Une petite à l’état brut !
Ma note…
16/20
Rien ne s’oppose à la nuit
Delphine de Vigan
408 p. Livre de Poche, 7,90 €
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