D’entrée de jeu, la quatrième de couverture pose les limites de cette histoire. Il est allemand. Elle est française. Leurs pays se font la guerre. Conclusion, leur histoire semble impossible. Alors dès le résumé, on imagine l’éternel scénario d’une idylle déchirante qui balance entre la cruauté des sentiments et la raison, mais qui se finira de toute façon par un happy ending. Bien sûr, le flair du lecteur est bien aiguisé, ou du moins bien conditionné, on sait que la relation des deux personnages principaux est “un peu plus” qu’une simple histoire de passage. Mais étonnamment, l’auteure décide de casser les codes et nous livre l’issue de l’histoire avant même que cette dernière ne débute.
La quatrième de couverture…
” 1944, pendant l’Occupation. Les Français vivent désormais dans l’espoir d’un débarquement allié et l’inquiétude gagne l’armée allemande, accentuant les crispations et les duretés perpétrées contre la population française. Maximilian von Wreden, officier du Renseignement allemand, est en poste à Paris depuis quelques mois quand il rencontre Marianne, une étudiante en philosophie de vingt et un ans. Sa peau est douce, ses lèvres sont tendres, elle réussit à apaiser ses démons intérieurs. Ce que Maximilian ne sait pas, c’est que la jeune femme travaille en réalité pour un réseau de résistants. Elle a volontairement été jetée dans la gueule du loup pour le séduire et lui soutirer des informations sensibles. Pour elle, il est d’abord l’homme à abattre. Mais pas seulement…”
Mon avis…
La première scène se déroule de nos jours et zoome sur le petit-fils de Maximilian. Dès ces premières pages, on capte l’influence de la France sur cette famille allemande, dont la jeune génération porte les prénoms les plus communs : Charles, Philippe, Brigitte, Annette. Dès le départ, on sait que Marianne et Maximilian ont fondé une famille ensemble et ont vécu heureux. L’intérêt de l’intrigue est donc bien plus subtil que ce qu’on aurait supposé. Puis, d’un coup c’est le flashback. A la façon dont ces souvenirs sont amenés, j’ai eu l’impression de revoir l’une des premières scènes de Titanic, au moment où les portes s’ouvrent sur la réalité de l’époque. J’ai entrevu ce même charme nostalgique qui m’a emporté dans les heures noires des années 40.
J’ai aimé cette histoire justement parce qu’elle ne tombe pas dans la facilité de l’ultra édulcoré. Dès le départ, le personnage de Maximilian laisse entrevoir le visage d’un homme, pas d’un allemand, pas simplement d’un ennemi, mais d’un homme qui comme tout un chacun a des sentiments. Contrairement aux textes écrits sous certaines plumes vengeresses, Carole Declercq casse les clichés en démontrant très clairement que non, tous les allemands de cette période n’étaient pas pro-nazi et oui, certains désapprouvaient leur gouvernement, parfois même très ouvertement et quitte à se mettre en danger. D’ailleurs, l’auteure ne semble pas porter de jugement sur le contexte historique. Le texte ne transpire pas la haine pour le peuple allemand comme je l’ai souvent lu dans les romans qui traitent de la Seconde Guerre Mondiale. Elle écrit des faits, des sentiments de manière objective.
A l’image du symbole dont elle porte le nom, Marianne incarne la droiture et est même prête à faire une croix sur ses sentiments pour défendre sa patrie. Bien au-delà de la simple allégorie de la République, Marianne en tant qu’individu évoque une nouvelle forme de liberté dont j’apprécie la spontanéité.
Pour résumer…
Pour un premier roman, je suis épatée par habileté avec laquelle ce récit a été construit. Carole Declercq a un phrasé très fin qui manie l’ironie avec délicatesse. J’aime cet humour un brin frivole qui dédramatise le contexte ; et cette manière de conjuguer l’ardeur et la passion sans jamais tomber sans la séduction forcée. Et pourtant elle s’attaque à un registre émotionnel très dur : le patriotisme, la honte, la culpabilité, l’honneur, la trahison… J’ai vraiment eu le sentiment qu’elle a mis toutes ses tripes pour écrire cette histoire et c’est rondement mené. Par ailleurs, je trouve le parti-pris de dévoiler l’issue de l’histoire intéressant, car il ouvre le champ des possibles. Certes dès le départ on sait qu’ils vont finir ensemble, mais l’intérêt est de mettre en lumière chacun de ces destins particuliers, de montrer qu’avant d’être un couple Maximilian et Marianne sont un homme et une femme que leurs idées séparent. La clé pour le lecteur n’est pas de se concentrer sur l’histoire d’amour en elle-même mais d’aller plus loin, de creuser dans le registre des émotions, de la passion, de l’introspection. C’est ce qui nous tient en haleine jusqu’au bout et c’est ce qui fait toute l’excellence de ce roman.
En deux mots, Ce qui ne noue tue pas… est un tourbillon d’émotions contradictoires qui nous emporte. Je ne peux que conseiller ce roman et j’attends la rentrée littéraire avec impatience !
Ma note…
19/20
Immense Coup de cœur !