Lauréat du Prix Goncourt 2013 et adapté en 2017 pour le cinéma par Albert Dupontel, Au revoir là-haut est une référence.
Pierre Lemaître nous parle de la Grande Guerre avec génie, avec folie. On y découvre une plume mêlant humour et gravité, histoire, ambitions, vengeance. S’en est troublant, désarçonnant. Un chef d’œuvre !
La quatrième de couverture…
Rescapés du premier conflit mondial, détruits par une guerre vaine et barbare, Albert et Edouard comprennent rapidement que le pays ne pourra rien faire pour eux. Car la France, qui glorifie ses morts, est impuissante à aider les survivants. Abandonnés, condamnés à l’exclusion, les deux amis refusent pourtant de céder à l’amertume ou au découragement. Défiant la société, l’État et la morale patriotique, ils imaginent une arnaque d’envergure nationale, d’une audace inouïe et d’un cynisme absolu.
Lorsque l’on a plus rien, on a plus rien à perdre…
Une captivante fatalité
Tout commence assez innocemment, au front, la guerre est à l’aube de l’armistice, mais les soldats doivent encore livrer un dernier combat. Un premier homme s’écroule, Édouard Péricourt, blessé par une balle à la jambe. Albert Maillard, son camarade s’élance à l’assaut mais ne tarde pas à tomber dans un trou d’obus et se retrouve quelques minutes plus tard enseveli sous la terre. Mourir asphyxié, voilà ce qui l’attend. Mais c’est sans compter sur la générosité d’Édouard, qui malgré sa blessure va sauver in-extremis son compagnon d’infortune, au prix d’un lourd fardeau… Un lien unique et indivisible va s’établir entre les deux soldats.
Vous l’aurez compris, toute l’intrigue se construit autour de ces deux personnages et notamment autour d’Édouard, qui défiguré par un éclat d’obus va tout faire pour disparaitre. On prend la mesure de toute l’horreur de la guerre : les chairs déchiquetées, les gueules cassées, la fuite… Comme si disparaître était aussi simple… Dès lors, tout un enchevêtrement de liens relie les protagonistes les uns aux autres : Albert, le protecteur qui se rapproche dangereusement de la famille du disparu ; ce père, qui apprend à aimer son fils seulement une fois qu’il le croit mort ; cette sœur, qui exerce ses talents de manipulatrice, et bien sûr le fameux Lieutenant d’Aulnay-Pradelle, personnage exécrable comme on en fait plus, prêt à toutes les magouilles pour s’assurer une place en société.
Au revoir là-haut : dans la tête des gueules-cassées
Le style d’écriture est également très particulier. À chaque chapitre, l’auteur se concentre sur un personnage, ce qui permet de faire très vite avancer le récit. L’écriture se construit avec peu de dialogues, mais cela ne fait que renforcer la dimension psychologique et morale de ce roman. Pierre Lemaître s’est vraiment concentré sur les sentiments et les préoccupations d’une génération, et montre bien le reflet d’une société meurtrie.
Étrangement, on se sent comme fondu dans la peau d’Édouard, cet artiste flamboyant mais brisé et écrasé par son histoire familiale. On aime sa fragilité, son esprit fantasque qui tranche atrocement avec l’horreur de ce qui lui arrive. À bien des égards, on a l’impression de voir un être quasi angélique passer au statut de monstre rejeté par la société. Alors les interrogations s’enchaînent : Comment faire face à l’angoisse de partager sa vie avec une gueule cassée ? Comment assumer ce nouveau faciès ? On est pris de malaise. On comprend la rage et à la fois la peur de vivre qui habitent ces personnages.
Pour résumer…
L’originalité de cette histoire est surprenante ! Au revoir là-haut est une remarquable galerie de portraits, renforcée par le récit d’une escroquerie aussi spectaculaire qu’amorale. L’intrigue est audacieuse, à la fois macabre et ironique mais aussi profondément juste. Il y a une véritable puissance d’évocation dans ce roman, renforcée par des faits réels qui rendent l’histoire encore plus touchante. Un morceau d’histoire corrosif qui glace le sang !
De manière très étrange, cette histoire vous fera vibrer.
Ma note…
18/20
Coup de cœur !
Au revoir là-haut
Pierre Lemaître
624 p. Livre de poche, 8,70 €
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Couleurs de l’incendie
À découvrir…
Au revoir là-haut, la Bande Dessinée