“La Première Guerre mondiale vide une petite île bretonne de ses hommes. Il ne reste plus que les enfants, les vieux et les femmes. Parce qu’il a un pied-bot, Maël n’est pas mobilisé. Il devient le seul homme, jeune et vigoureux, de l’île… bientôt facteur, bientôt amant…”
MON AVIS
Il est des livres que l’on cherche et ceux que l’on découvre. J’ai découvert Facteur pour femmes en furetant en librairie, dans ce rayons BD que je ne parcours quasiment jamais. Cet ouvrage faisait partie des derniers arrivages. Parmi toutes les autres, pourtant vendues par un marketing tapageur, c’est cette couverture qui a capté mon attention. Une jeune femme au regard doux, costume d’époque à l’horizon d’une mer paisible… Ça respirait d’avance la poésie ! Pourtant en feuilletant quelques pages j’ai vite compris que le thème abordé était loin d’une douce idylle : la cruauté de la guerre, la manipulation des plus faibles, l’abus de pouvoir, la peur du déshonneur… On frisait plus l’analyse sociologique d’un petit village, de la vie des femmes en temps de guerre ; une thématique qui m’a toujours intéressé. Vous l’avez compris, de prime abord ce choix était un coup de cœur !
Hier soir, je me suis donc calée avec plaisir dans mon lit, pour découvrir cette histoire. J’ai tout de suite été séduite par les dessins de Sébastien Morice, leurs couleurs douces, puissantes et chaudes. On dirait presque des tableaux. Passé la douce rêverie des images, on entre vite dans le vif du sujet ; la guerre est déclarée, les hommes mobilisés et les femmes se retrouvent seules sur l’île avec pour seule figure masculine attractive le jeune Maël. Dans cette période de tension, on sent très vite que les personnages cherchent un rempart contre la peine et la solitude. Les ébats impromptus viennent apporter un peu de bonheur et de chaleur humaines. Après tout, pourquoi se priver de plaisir puisque la vie tient à si peu de choses ?
En quelque sorte, Carpe Diem est le leitmotiv de cette histoire. Pourtant, j’ai eu beaucoup de mal à prendre un partie pris dans ce récit.
J’ai été à la fois prise de pitié pour le personnage de Maël, cet ” infirme” dont tout le monde se moque et qui cherche à prendre sa revanche sur la vie en se rendant utile pour sa partie. On le voit petit à petit prendre confiance en lui, déployer ses charmes. Dans les premières planches, le personnage semble sympathique et touchant, bien que complètement déconnecté des réalités de la guerre. Les quelques scènes du front tranchent d’ailleurs terriblement avec la quiétude qui règne sur l’île. Puis, au fil de ses conquêtes, Maël se révèle être un véritable manipulateur, prêt à trafiquer le contenu des lettres qu’il distribue pour s’attirer encore davantage les faveurs de ces dames. J’ai été révoltée par ce comportement ouvertement opportuniste, au fil duquel on voit se dessiner une personnalité profondément amère et haineuse.
Autre point qui m’a déçu : la vision de la femme fragile, naïve et passablement peu vertueuse qui est véhiculée dans la majeure partie de l’ouvrage. Je concède que cela peut représenter une réalité mais je trouve que l’on tombe bien vite dans le cliché et la facilité. Une caricature finalement assez typique de l’univers de la BD. Je trouve dommage de jouer uniquement sur ce credo en début d’ouvrage, d’autant qu’on amorce un virage à 180 degrés sur la fin de la BD lorsque les femmes s’émancipent peu à peu et comprennent qu’elles ont, d’une certaine manière, entre les mains la possibilité de se “venger” de leurs maris durs et peu attentionnés. On les voit accueillir avec finalement peu de joie l’annonce de la paix, qui signifie pour elles la fin d’une période de liberté trop longtemps attendue.
Cette histoire semble tirée d’un fait réel. L’intrigue va loin, mais j’ai tendance à penser qu’un espace confiné peut rendre ce genre de situation plausible. Le récit a, quoi qu’il en soit, le mérite de trancher avec bonnes mœurs de l’époque et le politiquement correct. J’aime le fait qu’on y décrive l’arrière de l’Histoire, avec toutes les conséquences que cela peut impliquer. Comme souvent, le format BD et les belles illustrations
aident à faire passer le message. C’est une lecture intéressante, construite sur l’ambivalence crédulité vs. manipulation, qui offre de multiples informations sur la vie à l’arrière du front. Face à cette terrible réalité qu’est la guerre, cette BD nous rappelle une morale on ne peut plus simple : ” Chacun est maître de son destin…”
aident à faire passer le message. C’est une lecture intéressante, construite sur l’ambivalence crédulité vs. manipulation, qui offre de multiples informations sur la vie à l’arrière du front. Face à cette terrible réalité qu’est la guerre, cette BD nous rappelle une morale on ne peut plus simple : ” Chacun est maître de son destin…”
MA NOTE
11/20